J'ai vécu une très belle expérience tout dernièrement. Des élèves m'ont demandé de témoigner, dans l'un de leurs cours, de mon expérience d'émigrante. J'ai accepté cette invitation pour leur faire plaisir, ne sachant pas alors encore à quel point cela me ferait plaisir aussi.
J'avais beaucoup de choses à dire et je raconterai cela peut-être bien une autre fois. Mais ce qui retient mon attention à ce propos, c'est plutôt la conversation que j'ai eue, par la suite, avec leur professeure.
Cette femme, tout comme moi, a grandi en France et vit depuis longtemps au Québec, pour son plus grand bonheur, tout comme moi. Nous avons échangé nos points de vue sur le pays, les habitants de ce pays. Nous étions d'accord. Nous les aimions. Puis nous avons parlé de l'enfance et des traces merveilleuse qu'elle a laissées en nous.
Ravies, nous avons découvert avoir en commun le souvenir d'un poème de Charles Péguy qui avait singulièrement touché les petites écolières que nous étions alors. Ce poème est le cri d'adieu de Jeanne d'Arc à la Meuse de son enfance. Cette femme, Christiane, se souvenait encore par coeur du poème. Elle m'en récita quelques vers qui me bouleversèrent. Elle m'apprit qu'il lui arrivait encore de se le réciter en secret.
De retour au travail, j'ai cherché ce poème sur Internet. Je l'ai trouvé. Je crois qu'en le lisant il est facile de comprendre pourquoi ce texte, aujourd'hui plus qu'alors, peut m'émouvoir et je me suis demandé quel mytérieux instinct nous avait averties toutes les deux du sens qu'il revêtirait un jour pour nous.
Voici ce texte:
Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeures aux prés, où tu coules tout bas.
Meuse, adieu: j'ai déjà commencé ma partance
En des pays nouveaux où tu ne coules pas.
Voici que je m'en vais en des pays nouveaux:
Je ferai la bataille et passerai les fleuves;
Je m'en vais m'essayer à de nouveaux travaux,
Je m'en vais commencer là-bas les tâches neuves.
Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante et douce,
Tu couleras toujours, passante accoutumée,
Dans la vallée heureuse où l'herbe vive pousse,
Ô Meuse inépuisable et que j'avais aimée.
Tu couleras toujours dans l'heureuse vallée;
Où tu coulais hier, tu couleras demain.
Tu ne sauras jamais la bergère en allée,
Qui s'amusait, enfant, à creuser de sa main
Des canaux dans la terre, à jamais écroulés.
La bergère s'en va, délaissant les moutons,
Et la fileuse va, délaissant les fuseaux.
Voici que je m'en vais loin de tes bonnes eaux,
Voici que je m'en vais bien loin de nos maisons.
Meuse qui ne sais rien de la souffrance humaine,
Ô Meuse inaltérable et douce à toute enfance,
Ô toi qui ne sais pas l'émoi de la partance,
Toi qui passes toujours et qui ne pars jamais,
Ô toi qui ne sais rien de nos mensonges faux,
Ô Meuse inaltérable, ô Meuse que j'aimais,
Quand reviendrai-je ici filer encor la laine?
Quand verrai-je tes flots qui passent par chez nous?
Quand nous reverrons-nous? Et nous reverrons-nous?
Meuse que j'aime encore, ô ma Meuse que j'aime...
Extrait du Mystère de Jeanne d'Arc
D'où venons-nous?
Ce matin, en me réveillant, j'ai su qu'il me fallait répondre à cette question. Étrange! La veille, je me disais que l'endroit où l'on va est plus important que celui d'où l'on vient. Histoire de me perdre dans mes propres dédales d'exilée à vie. Cette question (d'où venons-nous) est fondamentale lorsque notre vie a longtemps été faite de départs et d'adieux.
Je viens de trouver la signification de ce blog. Même s'il est surtout destiné à une personne en particulier (à qui j'envoie un baiser à l'instant-même), il s'adresse d'abord à moi et à tous ceux qui, comme moi, n'ont pour patrie que l'exil.
je me propose donc, dans ce blog, de réfléchir sur l'exil en partant de ma propre expérience, sans chercher à faire oeuvre scientifique ou sociologique, mais plutôt afin de donner à ce sentiment d'étrangeté qui m'habite et m'habitera jusqu'à la fin des temps un lieu où se dire, un lieu où s'exorciser.
Je viens de trouver la signification de ce blog. Même s'il est surtout destiné à une personne en particulier (à qui j'envoie un baiser à l'instant-même), il s'adresse d'abord à moi et à tous ceux qui, comme moi, n'ont pour patrie que l'exil.
je me propose donc, dans ce blog, de réfléchir sur l'exil en partant de ma propre expérience, sans chercher à faire oeuvre scientifique ou sociologique, mais plutôt afin de donner à ce sentiment d'étrangeté qui m'habite et m'habitera jusqu'à la fin des temps un lieu où se dire, un lieu où s'exorciser.
jeudi 6 décembre 2007
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